Deuxième présence au festival Orientalys – La maison de la Syrie

Deuxième présence au festival Orientalys

Après la nostalgique et opulente maison en 2013, nous voulions cette fois ouvrir les portes, arracher le toit et laisser le vent s’engouffrer de partout; entre les voiles et les oreilles, pour ne créer aucune frontière entre nous et entre celui ou celle qui passe.

Nous voulions un lieu pour assumer l’humilité nouvelle du Syrien, celui que la guerre, la violence et la tragédie ont parsemé dans le monde, réfugié, demandeur d’asile, exilé, nomade à nouveau…

[texte: Marya Zarif – photos: Youssef Shoufan]

Cette année, nous voulions oser la cohérence et passer à côté des splendeurs et des richesses que nous aurions pu exposer. De notre pays fatigué, déchiré, exsangue, il nous fallait montrer (et vivre) la beauté, et non le masque.

Nous voulions de la simplicité, rien que de la simplicité, pour être à hauteur d’Homme, et regarder les Syrien(ne)s dans les yeux.

Nous avons alors pensé à un petit café, sans prétention, sur les décombres de l’installation de l’année dernière, né spontanément, pour que les humains puissent continuer de se rencontrer.

Nous le voulions en couleurs; car la Syrie aux milles visages reste un pays de couleurs.

Nous le voulions en douceur; car malgré tout, il reste encore des gens pour verser de l’eau dans les fontaines et faire bouillir la fleur d’oranger à feu doux.

Nous le voulions fait de rencontres; alors nous avons posé quelques tables et une poignée de chaises, car les Syriens rencontrent le monde.

Nous voulions y perpétuer l’art de l’accueil; car c’est cela pour nous la Syrie, une terre d’accueil au carrefour du monde, où chacun peut se sentir chez soi.

Ils sont donc venus; ces festivaliers, ces Montréalais, ces Québécois, ces exposants des autres pays d’Orient, ces touristes, ces autres Syriens. Ils ont été aspirés par ce lieu sans murs, sans portes, sans toit, et cette musique du vent dans les voiles. Ils se sont installés dans l’odeur du café. Ils ont habité ce café tout simple, spontanément.

Ils sont venus, ils étaient au rendez-vous, ces musiciens, ces gratteurs de luth ou de guitare, ces coeurs qui résonnent et ces tambours. Et la musique fut.

Puis la lumière fut. Des dizaines de petites flammes se sont allumées, autour de l’éternelle fontaine d’eau. Chansons, mélodie des yeux, danse, rires, folie, respect, minute de silence.

Et, comme une caravane, La maison de la Syrie a replié ses voiles, et elle est repartie dans le vent.

Après une première installation en 2013 dans la médina du festival Orientalys au Vieux-Port de Montréal, du 29 août 2014 au 1er septembre 2014, l’équipe de La maison de la Syrie a lancé l’invitation de venir rencontrer des Syrienn(e)s dans notre café spontané, tout en visitant l’exposition de photos du projet Syrian Eyes of the World.

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[باللغة العربية]

Et le vent posa l’Homme au centre du Vieux monde.

C’est en Syrie que l’Homme devint sédentaire, s’abreuvant de l’Euphrate  bleuté, inventa l’épi de blé, la maison et l’écriture. Un carrousel de migrations. Et le vent souffla, et le vent transporta les Hommes.

De dynasties en coups d’État, puis la guerre, puis l’explosion. Et le vent souffla, arrachant la maison de son socle et le vent dispersa les Hommes.

23 millions de pairs de yeux écarquillés face à l’étrange tourbillon du monde. Comme jadis les yeux d’Ebih II, grand dignitaire du royaume de Mari, ouverts sur le monde depuis 5000 ans.

Ebih-IlStatue de Ebih II au Louvre, à Paris

Des femmes. Des hommes. Des enfants. Des langages.

Un peuple vivant qui se tient au carrefour du monde et qui se fait aujourd’hui transporter par le vent, nomade comme au commencement du temps. Spontanément, il s’invente de nouvelles patries, le temps d’un café.

Par hasard, de petites Syries naissent partout dans le monde. Car c’est un peuple qui veut respirer, naître et renaître. Qui veut continuer à pratiquer son art de l’accueil, peaufiné lentement à travers ses 10 000 ans d’existence.

Dans ce café spontané, créé en hommage aux milliers de yeux de Syrie. Entrez et posez-vous. Car le vent soufflera, et le vent ramènera les Hommes.

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هَبَتِ الريحُ و حَمَلت الناس إلى مركز العالم القديم

فَفي سوريا استقرَّ الإنسانُ و صار حَضَريًا يرتوي من ماء الفراتِ الأزرق، و روَّض الثور و دَجَّن سنبلة القمح و بنى البيوت و اخترع الكتابة كي لا ينسى

سوريا : مفرق هجراتٍ و قوافل و هبت الريح و جرفت البشر. من سلالاتٍ حاكمةٍ مرورًا بإنقلاباتٍ ثم حروب ثم انفجار. و هبت الريح مقتلعةً البيت السوري و أساسه من سوريا، و بَعثَرَت الناس. ثلاثٌ و عشرون مليونِ زوجٍ من العيون المحدقة، الضائعة في دوامة العالم الغريبة. محدقة كعيون إبيه من أعيانِ مملكة ماري، من قبلها

Ebih-Il-yeux

شعبٌ : نساء و رجال و أطفال و لغات

شعبٌ حيٌ واقفٌ على مفارق العالم، تذروه الرياح اليوم، و تعيده لحالته البدويَّة، كما في بداية الزمن، فيخلقُ لنفسهِ و عفويًا أوطانًا جديدة و وقتًا لإحتساء القهوة

و صدفةً تولد سوريَّات صغيرة في كل أنحاء العالم لأن شعبها شعبٌ يعيش و يريد الإستمرار بالتنفس و الولادة من جديد. شعبٌ يريدُ الإستمرر بممارسةِ فنونه و أهمها فنُّ الضيافة التي شَذَّبتهُ و صقلتهُ عشرة آلافِ عامٍ من التاريخ و الوجود

في هذه ( القهوة العفوية) التي أقيمت تكريمًا لآلاف العيون السورية ادخلوا و ارتاحوا . فالريحُ ستهبُّ و ستعيدُ الناس

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Crédits :

Merci à Isabelle Maître pour ses prêts de meubles et de plantes, Mathieu Lampron pour son soutien, Houssam Kotrache pour sa musique et son aide au montage, Mohammad AboLubdeh pour ses photos et son aide au montage, Émile Hajjar pour le café et les barazeks (biscuits au sésame et pistaches de Damas), Oussayma Candarieh pour ses cafés (et ses vêtements colorés), Florence Ollivry pour les desserts syriens, Samer Georges et sa famille pour la musique, Marie-Moucadem Kassabji pour ses chansons, Hala Alromhein pour ses biscuits. Merci aussi à Karine Shoufan et Zaïd Shoufan pour leur soutien.

Merci à vous, festivaliers d’Orient et des quatre coins du monde, qui êtes venus prendre votre temps dans ce café spontané.

À bientôt.